Pour ce faire, il y a moult possibilités de faire, mais dans tous les cas il va nous falloir un réseau entre les deux, ce qui est ici le cas avec les quelques prises réseau de la Freebox. Ensuite, il y a deux grandes familles de solutions :

  1. soit les fichiers son sont transférés via le réseau depuis l’ordinateur vers le petit serveur qui se chargera de les jouer et fera sortir directement la musique sur les enceintes branchées dessus,
  2. soit les fichiers sont lus sur l’ordinateur et le son est transporté jusqu’au petit serveur qui se chargera simplement de faire sortir le son dans les enceintes.

Comme je suis pas sûr d’être clair, voilà les schémas. (Je vous l’accorde, ils sont plus schématiques que jolis.) Illustration des deux possibilités techniques

J’ai commencé par tester la première solution, plus facile techniquement parlant (attention, c’est technique) : transférer en SSH les fichiers son sur le petit serveur, installer le serveur de son PulseAudio, installer ogg123 (ou autre) pour lire un fichier son en ligne de commande. Et hop! presque magiquement, le son de mon ordinateur se joue à distance. 2 minutes de satisfaction, puis le morceau s’arrête, il faut alors transférer le morceau suivant, lancer ogg123 et c’est reparti pour 2 minutes :) Rapidement, on déchante :) ça n’est pas pratique de faire cette manip toutes les deux minutes, même pour un geek (et même si ça pourrait s’automatiser un peu, je trouve le montage assez disgracieux dans l’idée).

J’ai donc exploré la deuxième solution, il s’agit d’utiliser PulseAudio dans ses capacités client-serveur au travers d’un réseau, c’est-à-dire que le petit serveur propose de faire sortir par les enceintes le son qu’il reçoit et de l’autre côté l’ordinateur émet le son là-bas au lieu de le faire sortir directement. J’ai cherché quelque temps car je ne comprenait pas bien la doc de PulseAudio, d’autant que là encore il y a plusieurs façons de faire. Je vous épargne les détails, mais j’ai finalement trouvé un billet de blog kivabien. Une fois le tout fonctionnant, je peux choisir sur l’ordinateur si je diffuse le son directement dans les enceintes intégrées ou à distance sur le petit serveur. Et là, magie encore, ça fonctionne :) Ce qui fait drôle aussi est que je suis en WiFi et que le musique arrive quand même à passer de mon ordinateur au petit serveur (oui, c’est logique, mais ça semble quand même magique :) Cette solution est beaucoup plus pratique car il suffit de cocher la case "Lire le son à distance", ça fonctionne aussi pour tous les sons et pas seulement pour ma bibliothèque de musique, par exemple les vidéos depuis YouTube ou les films, et ça permet de régler le volume depuis l’ordinateur, etc. C’est donc beaucoup plus pratique.

Pourquoi je raconte tout ça ? Souvent — et c’est normal car tout ça n’existait pas vraiment il y a juste 25 ans — le numérique est difficilement appréhendable par nous autres humains (qui ne sommes pas nés dans l’univers numérique). Une chose qui rend cette matière difficile est l’absence de matérialité du numérique : quoiqu’on puisse toucher un ordinateur ou une tablette, ça ne sert pas à grande chose de juste la toucher ; au contraire, il faut accepter de communiquer au moyen des interfaces (clavier, souris, écran tactile) et rentrer dans sa logique propre, immatérielle, pour la dompter.

Dans mon anecdote, la chose créée à la fin est tangible : ça émet du son. Un peu matériellement aussi, le son est stocké au départ sur l’ordinateur, sur son disque dur. Entre les deux solutions possibles, la matérialité peut s’exprimer brutalement aussi : dans le premier cas, je peux éteindre mon ordinateur et la musique va continuer de se jouer, dans le deuxième cas la musique s’arrêtera. On pourrait comparer ces situations à "je demande à un orchestre de jouer" et "je joue moi-même la musique". Plus finement ensuite, sur la "matérialité" des choses qui sont transportées sur le réseau, il s’agit soit de fichiers informatiques dans le premier cas, soit de son numérique dans le deuxième cas. Une chose encore : autant on peut toucher un cable réseau, autant ça devient beaucoup moins possible pour toucher les ondes WiFi, même si les deux permettent la même chose : transporter des données. Tous ces détails sur les processus internes feront qu’il sera plus ou moins compliqué de comprendre le système dans son entièreté d’un point de vue extérieur, a fortiori si on n’est pas habitué au numérique.

Une autre expérience qu’il convient de mentionner ici : j’ai fait fonctionner l’année dernière un système sur le petit ordinateur Raspberry Pi qui permet d’émettre Wikipédia en WiFi, localement autour du Raspberry Pi, ceci sans Internet car Wikipédia était stocké sur une clé USB. Lorsque je présentais le système, je décomposais :

  1. voici un petit ordinateur, c’est quasiment la même chose qu’un ordinateur classique ou un smartphone,
  2. voici une clé USB où est stocké Wikipédia en français, ça fait 25 Gio environ,
  3. voici une clé WiFi (en USB) qui va nous permettre au Raspberry Pi d’émettre du WiFi,
  4. et finalement voici une batterie (initialement conçue pour recharger les smartphones en USB), on la branche.

Et là, quelques voyants commencent à clignoter et au bout d’une minute, le réseau WiFi "Wikipedia" apparaît. Magie :) Pour le faire comprendre mieux, je dis que j’ai diffusé Wikipédia dans le métro lyonnais un jour avec des amis, alors même qu’il n’y avait même pas la 3G, donc pas Internet. On peut même imaginer diffuser Wikipédia en WiFi dans un sous-marin, alors même que presque aucune onde extérieure ne peut passer à travers l’eau :)

Depuis quelques temps, et surtout depuis que je manipule des petits ordinateurs (DreamPlug, Raspberry Pi), cette question de la matérialité du numérique me fascine assez : alors que les tâches faites sur un ordinateur classiques restent "virtuelles", le fait de faire faire des tâches très spécifiques et très matérielles à un ordinateur sans écran les rend beaucoup plus palpables ; privé de la vue (d’un écran), il faut trouver d’autres moyens de dialoguer avec ces êtres numériques. Ça fait peut-être un peu envolée lyrique de dire ça, mais je considère presques ces expériences numérico-matérielles comme des performances numériques : allier la technologie numérique à des phénomènes matériels voire sensoriels en vue de faire découvrir quelque chose au spectateur. Ainsi, le numérique ne reste pas des 0 et des 1 dans leur univers mais il influe et se propage dans l’espace physique : il devient de vraies ondes dans le cas du Raspberry Pi (et même si la plupart des humains ne sentent pas les ondes, c’est un phénomène physique) ou du son audible dans le cas du système décrit auparavant.

Donc, si vous me voyez en vrai, il est possible que j’ai activé le Wikipédia-en-WiFi et que je me sois transformé en homme-qui-diffuse-Wikipédia-autour-de-lui. Et similairement à l’expérience audio, un développeur nantais a créé une application (Louise) pour diffuser sa propre musique autour de soi pour en faire profiter les autres [et peut-être même draguer grâce à ça disent certains :].